Burn-out, bore-out, brown-out… De ces trois états dans lesquels peuvent être plongés les actifs, le dernier est certainement le moins connu – et reconnu. Pourtant, il a lui aussi des conséquences désastreuses dans le monde du travail. En quoi consiste le brown-out ? Quels sont les premiers signaux auxquels prêter attention ? Comment s’en sortir ?
Le brown-out, c’est quoi au juste ?
Reconnu comme maladie professionnelle depuis 2016 – soit assez récemment – le burn-out se définit comme un état d’épuisement psychique et/ou physique dû à la charge de travail. À l’inverse, le bore-out est caractérisé par un profond ennui, toujours au travail, et peut lui aussi provoquer de l’anxiété, voire amener à la dépression.
Et le brown-out donc ? Le terme anglais brown-out signifie littéralement « perte de tension », voire « panne de courant ». On comprend donc aisément qu’il est relié à une perte d’énergie dans le travail pour les personnes qui en souffrent, mais cela va en réalité bien plus loin. Le brown-out correspond à une véritable perte de sens, le plus souvent causée par des tâches identifiées comme :
- Non stimulantes
- Répétitives
- Éventuellement absurdes
Les cadres, catégorie la plus touchée
Avec ce tableau, on pourrait à première vue imaginer que le brown-out concerne prioritairement des ouvriers et employés. En réalité, pas du tout ! Les cadres victimes d’une perte de sens dans leur travail sont les premiers concernés. Les secteurs du management, des ressources humaines et de la finance, où les nouvelles technologies occupent une place considérable, remplaçant l’homme dans nombre de tâches, font partie des plus touchés.
« Au lieu de réduire les heures de travail pour que les gens aient plus de temps libre, on a préféré inventer des métiers qui ne servent à rien. Ils existent uniquement pour nous occuper et faire en sorte qu’on ait les mêmes heures de travail que les autres salariés », a écrit (dès 2013) l’anthropologue américain David Graeber, dans une tribune intitulée « Du phénomène des jobs à la con ».
Cette situation a été par la suite décrite dans le livre d’un médecin spécialisé dans la souffrance au travail, « Le brown-out, quand le travail n’a plus de sens ». Le docteur François Bauman y explique : « [Le brown-out] exprime la douleur et le malaise ressentis suite à la perte de sens de ses objectifs de travail et à l’incompréhension complète de son rôle dans la structure de l’entreprise ».
À la perte de sens, s’ajoute la perte de repères, ce sentiment de « n’être qu’un numéro parmi tant d’autres », à fortiori lorsque l’on travaille dans un grand groupe. Le manque de reconnaissance, enfin, est un facteur déclenchant de brown-out. En 2019, Mohamed, salarié d’un laboratoire pharmaceutique, le faisait remarquer dans un article du Bondy Blog(1) sur le sujet : « Ce n’était jamais bien et même quand c’était bien, on ne te disait rien. Du coup, je me suis complètement détaché, sinon je ne vivais plus ».
François Bauman définit alors le brown-out comme « une maladie psychique que l’on retrouve chez des collaborateurs ayant un certain niveau d’études et de compétences, mais qui effectuent un travail dévalorisant, au regard de leurs connaissances et de leur expérience ». Contrairement au bore-out, qui se traduit par l’ennui au travail, un salarié victime de brown-out ne manque résolument pas de tâches à accomplir, bien au contraire ! Simplement ces tâches sont considérées comme absurdes et non stimulantes.
Quels sont les symptômes du brown-out ?
Le désengagement vis-à-vis de son entreprise employeuse est un signe de brown-out, à plus forte raison pour des salariés qui espéraient mener ici une carrière enrichissante et apporter – avec entrain et professionnalisme – leur pierre à l’édifice, tels des colibris déterminés. Il se traduit par des comportements passifs comme le fait de ne plus participer activement durant les réunions, voire de les éviter, de ne plus prendre de décisions importantes pour soi-même, de s’isoler du reste du groupe.
Fatalement, le brown-out au travail mène à une détérioration de la vie personnelle, baisse de l’attention accordée à ses proches, évitement du dialogue… À ce stade, on comprend facilement qu’un brown-out puisse déboucher sur une dépression sévère.
Différents signaux peuvent alerter le salarié et l’employeur :
- Une perte d’attention dans la réalisation des tâches
- Une tentation de repli sur soi
- Une forme d’irritation ou à l’inverse d’apathie
- Une remise en question professionnelle ou personnelle
- Une multiplication des arrêts de travail
Que faire en cas de brown-out, comment en sortir ?
Vous ne parvenez plus à répondre à la question : « En quoi êtes-vous utile dans votre travail » ? Un petit rhume qui ne vous arrêtait certainement pas auparavant devient la première excuse pour un arrêt de travail ? Vous vous sentez inutile, ou vous avez l’impression de travailler en Absurdie ? Soyez vigilant, le brown-out vous guette !
Mais alors que faire ?
En parler avec un manager de confiance, se confier aussi à ses proches sans doute inquiets de votre démotivation est un premier pas. Cela donne aussi l’occasion de prendre conscience que le phénomène se révèle plus répandu qu’il n’y paraît et cela aide à déculpabiliser. Consulter un psychologue ou un autre spécialiste constitue également une réponse.
Mais au final, rappelez-vous, le brown-out est le syndrome du désengagement. La clé pour en sortir reste bien trop souvent un changement professionnel. La recherche d’un travail plus épanouissant, une reconversion ou l’entrepreneuriat : à chacun de réfléchir à sa situation, de faire le point sur ses essentiels et de trouver la meilleure solution.
Prévenir le brown-out dans le monde du travail, c’est essentiel
Dans les faits, la grande majorité des brown-out se terminent par un départ de l’entreprise (démission, rupture conventionnelle…). D’où l’intérêt, pour les employeurs, de miser sur la prévention.
En 2016, une étude Ipsos menée auprès de 824 travailleurs français montrait que seulement 34% d’entre eux se sentaient reconnus et valorisés dans leur travail. Plus d’un sur trois reconnaissait ne pas être motivé par leur travail. De quoi tirer la sonnette d’alarme !
Adapter la politique managériale
Pour les entreprises, il s’agit donc à la fois de repérer les signes de brown-out (ces salariés qui « traînent les pieds ») et de prévenir la démotivation. Les managers se retrouvent en première ligne dans ce combat, l’outil le plus efficace restant le dialogue constant entre eux et les salariés.
La direction se doit de clairement expliquer les postes et les missions de chacun (et les valoriser !), et il revient aux managers de lutter contre l’installation d’une routine, de reconnaître la réussite des actions de chacun, les points de progression, les éléments d’avancement. Les « respirations » par des temps de convivialité et/ou de travail en petits groupes font partie de cette stratégie de prévention.
Harvard Business Review estime de son côté, dans un article de 2019(2), qu’avec « l’arrivée des millennials, plus exigeants en matière de communication, il faut rompre avec un management vertical très destructeur de sens et impulser un management beaucoup plus horizontal, favorable au bien-être des collaborateurs et au partage de l’information (…). Le centre de gravité des pratiques managériales doit donc se déplacer et ne plus concerner le seul contrôle des performances individuelles, mais plutôt la régulation des relations entre les collaborateurs ».
Donner du sens au travail de chacun
On l’aura compris, le cœur du brown-out comme des solutions que peuvent apporter les entreprises bat au rythme du sens trouvé au travail par chaque collaborateur. Or la notion est subjective, puisqu’elle relève pour partie d’une perception individuelle – mais d’un autre côté de l’organisation du travail.
Dès lors, comment les entreprises peuvent-elles (collectivement) répondre aux attentes (individuelles) de leurs salariés ? Et ce alors qu’une enquête Ipsos pour Les Echos(3) de juin 2020 a mis en lumière le fait que « 90% des salariés jugent essentiel ou important que l’entreprise donne un sens à leur travail ».
Une étude canadienne(4) de l’IRSST (Institut de Recherche Robert-Sauvé en Santé et Sécurité au travail) rappelle que « le travail a du sens lorsqu’il apporte satisfaction au salarié, correspond à ses intérêts, fait appel à ses compétences et lui permet de les développer ». Elle identifie six facteurs clés du sens au travail que peuvent pour la plupart mettre en place les entreprises :
- L’utilité sociale (dans l’entreprise)
- L’autonomie dans l’organisation de son travail
- Les occasions de développement et d’apprentissage
- La rectitude morale (l’adhésion aux valeurs)
- La qualité des relations professionnelles
- La reconnaissance (de la personne et de ses compétences)
En somme, le brown-out, peut être considéré comme une sorte d’alerte générale : à l’heure de l’intelligence artificielle et autres technologies, l’humain doit rester au cœur de l’entreprise.
ABP PSYCHO-ERGONOMIE, cabinet conseil en psychologie du travail est à vos côtés pour vous aider prévenir le risque psychosocial qu’est le brown-out, à mettre en clarté des situations sensibles en milieu professionnel et pour vous apporter un soutien et un accompagnement utile au cœur de votre entreprise.
- https://www.bondyblog.fr/societe/emploi/brown-quand-le-travail-na-plus-de-sens/
- https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/04/25392-le-brown-out-ce-nouveau-fleau-dans-lentreprise/
- https://www.lesechos.fr/economie-france/social/exclusif-les-salaries-en-quete-de-sens-1219224
- https://www.irsst.qc.ca/media/documents/PubIRSST/R-624.pdf